
L’erreur, pour la nouvelle aristocratie européenne, serait de passer outre ce que lui répète le tiers état ("Le tiers état est la nation tout entière", disait Sieyès en 1789), quand la parole lui est épisodiquement donnée. Or, entendre les dirigeants assurer, cette semaine, que le processus d’adhésion doit se poursuivre, quitte à ce que les Irlandais revotent comme ils l’avaient fait en 2002 pour ratifier enfin le traité de Nice, fait craindre une irrémédiable rupture entre Bruxelles et les citoyens. Les frondes surviennent ainsi.
Les Irlandais savent ce qu’ils doivent à l’Europe, qui les a sortis de leur malédiction. La pacification du Vieux Continent, fruit d’une consolidation des cousinages, est plus fondamentalement un acquis que seuls de fantasques isolationnistes remettent en question. Une même familiarité européenne unit la majorité des "nonistes". Leur avoir répondu, croyant bien faire, en ôtant les symboles de l’hymne et du drapeau étoilé a d’ailleurs révélé l’incompréhension devant leurs attentes.
Ce n’est pas l’Europe qui est rejetée, mais un monument vide aux entrées interdites. Quand les peuples s’expriment, c’est pour se dire soucieux de leur culture, tout en se sachant unis par un destin. Est-ce si difficile à admettre ? Observer le Conseil de l’Europe vouloir interdire la fessée, tandis que la France n’a plus de prises sur la pêche ou la TVA fait maudire cette Union sans visage qui s’agace des particularités et promeut des normes arasantes.
Une Union protectrice est évidemment nécessaire. Mais elle ne construira rien sans l’adhésion des gens et le respect des identités. Or bien des élites ne semblent encore répondre qu’à leur désir d’imposer l’homme postnational, né des fantasmes de la table rase. "Les prolétaires n’ont que la Patrie", disait Jean Jaurès. Beaucoup d’électeurs pensent ainsi. Ne pas les désespérer de leurs représentants.
Pour une défense commune
Pourtant, ce continent morcelé qui a accepté la monnaie unique est prêt à d’autres abandons de souveraineté, s’ils assurent une efficacité collective. L’Europe de la défense, que Sarkozy entend relancer, fait partie de ces objectifs qui, avec la politique d’immigration notamment, peuvent redonner un sens à la construction communautaire. "J’entends faire de la politique de défense et de sécurité un exemple de l’Europe concrète, de l’Europe qui répond aux besoins des Européens", explique le président, qui confirme que le pays rejoindra le commandement militaire intégré de l’Otan, tout en gardant sa propre dissuasion nucléaire. Faudrait-il se plaindre de voir la France réaffirmer sa solidarité avec les États-Unis et choisir le camp occidental ? Les vrais alliés n’ont jamais été aussi précieux que dans ce monde de plus en plus dangereux.
Dormez, braves gens
Tigres de papier
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